Vietnam

Chapitre 8 : Un nouvel obstacle

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Je me rapproche de plus en plus d’Hanoï. Il me reste encore une semaine avant de quitter le Vietnam, de quoi en profiter encore un petit peu en allant vagabonder dans la région montagneuse de Sapa. Plutôt éloignée lorsqu’on a pas son propre moyen de transport, je décide, un peu par dépit, de réserver une excursion incluant un trek de 15 kilomètres dans les montagnes. Nous ne sommes que quatre à avoir choisi cette dernière et notre bus est plutôt vide. Après un trajet de nuit, nous arrivons finalement dans un petit village de montagne où l’on nous présente Maëva. Notre guide est un petit bout de femme d’à peine un mètre cinquante, le sourire pepsodent, le regard avenant, un bébé enfoulardé dans son dos grâce à un ingénieux système de nœuds. Autour de nous, la vision est réduite, le brouillard est omniprésent et nous prend par la main tout au long du chemin. Nous arrivons après une bonne vingtaine de minutes à notre logement ; une maison partagée avec Maëva, son fils et l’un de ses frères. Elle nous propose de nous changer, de mettre des vêtements bien chauds, un poncho de pluie et surtout des bottes ! Le temps est couvert et la pluie commence à faire son apparition. Légère, mais suffisante pour créer des flaques gigantesques et faire du sol une patinoire à ciel ouvert.

Chemin boueux et glissant

Peu après nous être changés, nous entamons le trek de quinze kilomètres. Nous allons faire une boucle dans les montagnes avec des paysages tous plus sublimes les uns que les autres, des rizières à perte de vue, des cours d’eaux vigoureux prêt à tout moment à déborder, des cochons et buffles s’agitant dans leurs étables de fortune.

Une étable qui abrite un buffle

Au cours du trajet, des femmes issus des divers villages que nous traversions se sont jointes à nous. Il était assez drôle de voir à quel point nous éprouvions des difficultés surtout lors des passages boueux alors que ces femmes avaient des charges sur le dos ainsi que le bébé de Maëva qu’elle refilait à ses copines lorsqu’elle était épuisée. Les femmes nous aidaient lors des moment plus délicats. Bien entendu, au-delà de la sympathie, il y avait un geste commercial qui était derrière. Accepter l’aide de l’une d’elles vous engageait dans une transaction commerciale qui finirait sa gestation à la fin du trek. Des portefeuilles, des sacs à main, des trousses de toilettes qu’elles vendaient au prix fort. Au final, ces 15 kilomètres feront partie de mes meilleurs souvenirs du Vietnam. Après avoir passé trois jours exceptionnels, je prends le bus en direction d’Hanoï. Il est temps pour moi d’aller chercher mon passeport et de clore une fois pour toutes cet épineux problème.

Deux passeports en poche, mais de nouveaux problèmes en vue

Le lendemain, j’arrive à l’ambassade de Belgique et me présente afin de récupérer le précieux Graal. Les formalités sont rapides, la personne derrière le comptoir sait qui je suis, elle me demande de signer un document et de lui remettre mon passeport temporaire en échange de celui que j’avais perdu. J’exulte, je n’y croyais plus ! Retrouver enfin mon passeport après presqu’un mois, le sentiment est très fort. Je n’ai plus besoin de rentrer après six mois, je peux continuer à voyager. L’agent de l’ambassade s’empare d’une paire de ciseaux et coupe les extrémités de mon passeport temporaire, le rendant invalide.

-Voilà, tout est en ordre ! Me sourit-elle

Soudain, je me crispe. Je viens de me rappeler quelque chose.

-Excusez-moi, mais mon visa pour le Vietnam était dans mon passeport temporaire…
-Oh ! s’exclame la femme gênée, je n’avais pas pensé à cela
-Oui, moi non plus, mais… qu’en est-il alors ?
-Disons que vous êtes “illégal” sur le territoire, donc il va falloir régler ça avec l’administration vietnamienne
-Pardon ? Mais que suis-je censé faire ? Il n’y a pas moyen de conserver les deux passeports ?
-Vous allez être bien obligé car j’ai coupé les bords de votre passeport temporaire, cela lui enlève sa valeur. Je vais vous donner l’adresse de l’administration et vous pouvez leur demander de transférer votre visa dans votre ancien passeport
-Tout simplement ? la questionnais-je alors qu’elle venait de commettre une énorme boulette
-Oui, encore une fois désolé, je n’y ai plus pensé, se reprend-elle
-J’aurais dû y penser aussi, commentais-je, enfin tant pis maintenant, je vais me rendre à l’administration et régler ça.
-Normalement, ça ne devrait pas être trop compliqué…

Mais fermes bien ta gueule toi”, pensais-je.

-Okay, merci, bonne journée, conclus-je en agrippant sèchement le papier qu’elle me tend

Je suis dehors, complètement désemparé, dans le chaos sonore d’Hanoï, parmi la foule en mouvement, en train de guetter un Go-Jek (équivalent d’Uber dans pas mal de pays asiatiques). Il est possible de réserver une voiture ou un scooter, ce qui s’avère le plus simple pour se déplacer au Vietnam, en particulier dans les grandes villes. J’arrive à interpeller un chauffeur et grimpe à l’arrière du deux roues. Nous filons parmi les charrettes, Tuk-Tuk, motos, voitures et piétons qui déboulent de toute part. C’est bien simple, au Vietnam, il faut oublier la peur du trafic, il faut tout simplement traverser avec confiance et mettre sa main devant pour indiquer que l’on passe. Ne surtout pas courir ou changer son rythme de croisière lorsque que l’on conduit, c’est la seule manière d’éviter un accident et de pouvoir accéder de l’autre côté de la route. Après une bonne vingtaine de minutes, j’arrive enfin à l’administration, demande à mon chauffeur de m’attendre et file au guichet. J’ai déjà tout préparé, mon discours est traduit grâce à mon téléphone et je plaque face au visage de l’agent qui est derrière le bureau. C’est un regard perplexe qui accompagne mes faits et gestes. Il reluque mes deux passeports que je tiens en main. J’ouvre en lui montrant le visa de mon passeport temporaire et applique ensuite mon index sur une page vierge de mon passeport ordinaire. Un vrai labyrinthe mental pour mon interlocuteur qui finit par me donner un papier avec le numéro d’un étage et d’un bureau ainsi que le nom de la personne en charge.

Je prends l’ascenseur et me rend au quatrième étage en quête de quelqu’un qui peut m’aider. Je finis par trouver la location du bureau, toque timidement et rentre dans la pièce. Trois personnes hébétées me regardent circonspectement. Je leur tends mon téléphone avec mon message et essaye d’y ajouter quelques signes et mots anglais. L’un d’eux me répond dans la langue de Shakespeare, je suis soulagé, je vais enfin pouvoir m’expliquer. Je résume en quelques mots mon aventure et le responsable me dit de patienter quelques instants. Il revient avec une adresse griffonnée sur un bout de papier et me suggère de me rendre à cet endroit.

-Vous ne savez pas le faire ici ? Rétorquais-je
-Non, vous devez allez à cette adresse, là ils seront en mesure de vous aider, me répond-on sèchement

Étonné, mais bien conscient que je ne pourrais rien obtenir de plus de mon interlocuteur, je quitte le bâtiment administratif et demande à mon chauffeur de me conduire à cette nouvelle adresse. Quinze minutes sont nécessaires avant de faire face au vide. Des débris sont répandus sur le sol, un tapis de pierres et de poussière occupe un espace qui était probablement réservé à un imposant building. Avec la chance que j’ai, c’est de mon bâtiment dont il est question… Je décide de téléphone à l’ambassade de nouveau et explique ma mésaventure. “C’est curieux”, me confirme l’agent à l’autre bout du fil, “essayez cette adresse-ci”. Rebelotte, je me rends à un nouvel endroit en espérant, une fois pour toute, trouver une oreille qui pourra entendre ma plainte.

Aussi tard ? Vous êtes sûre que je ne vais pas rester coincé ici ?

Je crois rêver, la “nouvelle” administration me renvoie à une autre adresse. Ils m’assurent que l’endroit n’est pas “détruit”. Ho ben super ! Je ne suis plus à une connerie près… Surprise ! L’adresse que l’on m’a indiqué est une agence de voyage. Je suis stupéfait et reste sur mes gardes. J’explique ma situation et demande “s’il est possible de transférer un visa encore valide de mon passeport temporaire à mon passeport ordinaire”. La demande a de quoi faire sourire et surprend. Il est vrai que je ne connais pas d’autres personnes qui ont été dans le cas. Mes recherches sur Internet sont vides de résultats et d’alternatives convaincantes. Les personnes travaillant à l’agence me répondent du tac au tac. “Nous ne sommes pas en mesure de transférer votre visa. Ce n’est pas de notre ressort de faire ça, nous n’avons pas ce pouvoir.” Je persiste et vais voir d’autres agences de voyages, après avoir enfin libéré mon chauffeur de mon étreinte. Mon portefeuille saigne, mais il semble prêt à verser encore plus de dong.
Je suis sur le cul. Suis-je en train de me faire pigeonner par le gouvernement ? J’effectue une recherche en ligne concernant cet aspect.  Je ne trouve qu’une explication provenant d’un site américain. « The Government of Vietnam has authorized some businesses and travel agencies to arrange for pre-approval for a “visa on arrival” at the airport. However, some U.S. citizens have reported being charged unexpectedly high fees and additional charges upon landing in Vietnam. The Government of Vietnam and the U.S. Department of State recommend that travelers obtain a visa directly from an embassy or consulate of Vietnam prior to arrival« . Cette autorisation du gouvernement pour certaines agences concerne principalement le visa à l’arrivée, que j’ai déjà. En gros, passer par un commerce de ce type implique de racheter un visa. Des Américains se sont plaints d’être facturé plus chers dans ces agences. Je passe un bref coup de fil à l’agent de ambassade qui ne me rassure guère. Elle me conseille d’éviter cette arnaque et demandant à la douane de l’aéroport de gérer cela lors de mon départ. “Aussi tard ?”, insistais-je, “vous êtes sûre que je ne vais pas rester coincé ici ?” Ma prochaine destination est d’ores et déjà réservée, je file en Indonésie rejoindre des potes que j’avais rencontré plus tôt à Taiwan et au Vietnam. Je ne suis pas vraiment rassuré, mais j’ai essayé de profiter de mes trois derniers jours au Vietnam.

La date fatidique est enfin là. Je me rends à l’aéroport avec plusieurs heures d’avance, tente d’expliquer mon problème, muni d’une lettre officielle de l’ambassade (oui, j’ai pris les devants tout de même). Les douaniers emportent mon passeport et me demandent j’ai combien de temps devant moi. Je leur répond trois heures, mais leur moue m’inquiète. “On va faire du mieux possible. Cependant, il y a des frais”, me précise-t-on avec un sourire narquois. Je comprends amèrement que je n’échapperai pas à l’arnaque. 40 euros, soit le prix d’un nouveau visa. J’aurai payé une deuxième fois mon visa uniquement pour sortir du territoire alors que la faute était imputée à l’agent de l’ambassade.

Au final, je n’aurai récupéré mon passeport que trente minutes avant le décollage, une course contre la montre intense afin de ne pas rater mon avion. Une fois à l’intérieur de l’appareil, je lâche un énorme soupir de soulagement. Le Vietnam n’aura pas été de tout repos, mais il me tarde de voir la suite. Un pays incroyablement complexe avec des moments en dents de scie, de la corruption, mais une population accueillante dans les régions moins touristiques avec une véritable envie de communiquer et de découvrir l’autre. C’est particulièrement ce contact avec les habitants qui va me manquer.

Direction maintenant l’Indonésie: Java, à nous deux !

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