Egypte

Chapitre 2 : Tiraillé

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C’est mon deuxième jour en Egypte et je me suis réveillé tôt pour partir en excursion au cours de la matinée. Sohan m’attend en bas dans sa voiture, moteur allumé et musique à fond. Il me sourit, mais ne dit pas grand chose. Il a l’air perplexe, je le sens concerné par quelque chose. “Tu as l’argent ?”, me demande-t-il les yeux rivés sur la route. “Oui”, répondis-je en lui tendant une liasse de billet. Soudainement, il  semble plus apaisé et se met à discuter avec moi. Le point de rendez-vous se situe à 20 minutes de route d’ici. Hurghada est une ville animée, mais je suis quelque peu excentré, donc il n’y a pas grand chose à voir ou faire. Les hôtels sont tous en bord de mer et ont privatisé l’accès à la plage. J’espérais pouvoir chiller, mais c’est raté. Ce trip de snorkeling sera la bonne occasion de découvrir la mer rouge et d’y explorer ses fonds-marins. Cela dit, l’organisation m’a l’air quelque peu obscure. Sohan me confie à un autre chauffeur qui m’emmène à un second point de rendez-vous où l’on embarque d’autres vacanciers pour être finalement débarqués dans un port. Nous prenons ensuite un bateau sur lequel on nous expliquera le programme de la journée. Je fais la connaissance d’un couple de jeunes français, quelque peu perdu eux aussi. Le contact passe plutôt bien et nous discutons une bonne partie de la journée ensemble.

Snorkeling dans la mer rouge

Nous constatons amèrement que l’excursion est assez expéditive, comme partout ailleurs, et qu’il faut se dépêcher le plus vite possible. 20 minutes de snorkeling à gauche, 15 minutes à droite et hop ! Direction une île pour faire bronzette pendant une heure. L’un des guides qui parlait un bon anglais, sympathise avec nous et nous propose de prendre quelques clichés pour la page Facebook de la compagnie du tour opérateur.

Ce genre de photo honteuse

Soyons franc, les photos ne sont pas dingues et en plus je ne me sens pas à l’aise de faire mon poseur devant la caméra. A la fin du trip, notre guide nous proposera d’acheter ses 10 photos pour 25 euros. Une proposition hallucinante qui aura eu le mérite de tous nous faire rire. Sa proposition passera ensuite à 20 euros puis 15, mais nous ne céderons pas. Il finira par nous rajouter sur Facebook et nous les envoyer gratuitement. « Fallait bien essayer« , me confiera-t-il. Au cours de ce trip, il n’y avait pas que des Européens à bord du bateau. Deux autres Égyptiens, un peu plus en retrait, étaient également de la partie. Ils m’ont demandé à plusieurs reprises de prendre des photos avec eux. Après avoir expérimenté cette situation en Asie, la photo « malaisante » n’avait plus aucun secret pour moi, j’accepte donc volontiers pour leur faire plaisir. 

Au retour de ce trip, Sohan me propose de me montrer le centre-ville avec l’un de ses amis. J’hésite longuement avant d’accepter son offre et le retrouver devant le restaurant où j’avais mangé auparavant. La Danoise que j’avais rencontré la veille était encore là-bas et m’a salué de loin. Je suis ensuite monté dans la voiture noire qui venait d’arriver, direction le centre d’Hurghada. Le pote de Sohan arbore une moustache travaillée. Il a environ 40 ans et parle, sans l’ombre d’un doute, un meilleur anglais que lui. 

-Tu aimes le Ouzo ? Me demande-t-il alors que nous approchions de notre destination.

-Oui, oui, répondis-je

Au contraire, ce léger goût d’anis me répugne au plus haut point. Cependant, afin de se faire des amis il est parfois nécessaire de faire des concessions. Nous faisons une petite cagnotte et Sohan part chercher une bouteille qu’il mixera avec une canette de coca. N’ayant pas l’habitude de ce genre d’alcool, je ressens rapidement les effets. Nous faisons un tour rapide du quartier le temps de finir la moitié de la bouteille avant qu’ils ne me proposent de faire une halte dans un café. Les locaux se retournent lors de mon passage, probablement pas habitués à voir des touristes flâner dans les environs. Nous nous asseyons et un serveur vient prendre notre commande. Un serveur arrive, assez jeune et s’adresse à moi en anglais.

-Que voulez-vous boire ? Me lance ce dernier après avoir pris la commande de mes deux compères

-Oh, bha une bière ! Répondis-je porté par l’euphorie

Le serveur se fige et me regarde stupéfait.

-Un coca, un coca ! Rétorque Sohan en essayant de sauver les meubles

Il n’y a pas d’alcool dans les cafés”, me susurre son pote à l’oreille. Bon, ben voilà, déjà une première boulette ! J’aurais pourtant dû y penser. L’alcool, pour des raisons évidentes, est bien entendu restreint. Il y a moyen d’en acheter dans de petits commerces où les fenêtres sont occultées. Les restaurants et “bars” servent principalement du thé à l’hibiscus, l’une des boissons nationales. La chicha, par contre, est monnaie courante et le nombre de goûts disponibles est tout simplement affolant. Quoiqu’il en soit, je sais désormais qu’il faut faire l’autruche à ce niveau-là et ne surtout pas commander de boissons alcoolisées dans un établissement quelconque. Encore moins en consommer en rue et dans les espaces publics. Seul les bars et restaurants destinés aux touristes font cet effort. 

Tu sais pourquoi je fais ça ! J’ai besoin de cet argent pour payer l’école de mes enfants ! Je fais trois boulots en même temps, moi ! Je n’ai pas ta chance !

-C’était comment l’excursion ? me demande Sohan

-Ha c’était sympa, j’ai vu quelques beaux poissons, mais l’eau était encore un peu fraîche tout de même, ajoutais-je

-Content que ça t’ai plu ! Tu peux faire un safari dans le désert aussi, si tu le souhaites

-Ha, il ne peut pas s’en empêcher ! S’esclaffa son pote entre deux bouffées de chicha

-Comment ça ? S’offusqua Sohan soudainement

-Laisse-le profiter un peu, tu l’invites avec nous et tu l’emmerdes déjà avec tes excursions!

-Tu sais pourquoi je fais ça ! Répliqua-t-il les sourcils froncés, j’ai besoin de cet argent pour payer l’école de mes enfants ! Je fais trois boulots en même temps, moi ! Je n’ai pas ta chance !

-Parce que tu ne sais pas gérer ton argent, c’est tout !

Je me sens très mal à l’aise car j’assiste, impuissant, à cet échange houleux tout en sirotant nerveusement mon coca. Sohan et son pote ont l’air très différents. Lui est vêtu d’un jeans, baskets et veste et l’autre est en pantalon classique, grosse montre au poignet et lunettes aux verres fumés. Sohan est assurément le plus modeste des deux, son ami a l’air beaucoup plus aisé que lui. Sohan m’explique alors son quotidien. Quand il se lève, il va ouvrir son épicerie et jongle entre elle et l’hostel où il va accueillir les touristes (très peu nombreux, soyons franc) pour ensuite retourner gérer l’épicerie et essayer de faire du drop-shipping depuis son téléphone. Autant dire que la vie de Sohan n’est pas si évidente que ça et qu’elle consiste principalement à survivre. C’est la raison pour laquelle il est parfois “pushy” avec moi, c’est ce que j’en ai déduis. Son envie de bien faire et son besoin constant d’argent entache la relation que nous partageons. Certains moments gênants exacerbent ce côté malsain.

Après notre discussion au bar, Sohan et son pote m’emmènent dans un petit restaurant local afin de déguster quelques spécialités égyptiennes. Un moment un peu plus détendu qui m’a véritablement fait apprécier Hurghada. Avant de rentrer à l’appartement, je signale à mon Sohan que j’accepte son excursion dans le désert. Non seulement parce que cela paraît loin d’où je me trouve, mais également pour lui faire plaisir. Alors qu’il essaye de me proposer une escapade au Caire, je lui réplique que je compte me rendre à Alexandrie avant. Il m’arrêtera dans une station de bus pour acheter mon ticket. Soi-disant la « meilleure compagnie de la région« , mais qui s’avèrera légèrement plus chère que d’autres. Après tout, ce n’est pas encore trop grave, je finis par arrêter de faire le pingre et me dit que je préfère que cet argent lui revienne en partie plutôt qu’à quelqu’un d’autre.

Dès le lendemain, l’excursion dans le désert me permet de retrouver les deux Cairotes avec qui j’avais pris une photo lors du snorkelling trip. Ils ne me lâchent pas d’une semelle et nous nous lions d’amitié par la force des choses. Osman, avec qui je pose, me dit qu’il me contactera une fois que j’arriverai dans la capitale.

Le foulard est utilisé pour se protéger du sable lors de la conduite dans le désert

Le trip est quelconque, mais est bien huilé. Nous nous retrouvons par groupes de voyageurs, presqu’une cinquantaine, agglutiné dans un pseudo-village bédouin. Les activités sont probablement les mêmes pour chaque tour opérateur : faire du quad dans le désert, du dromadaire, visiter un village en carton, composé de trois huttes à peine, et qui pue le fake. Enfin, prendre une photo au sommet d’une petite montagne avant de filer direction Hurghada.

Un faux village bédouin en carton avec des tours en dromadaires toutes les quarante secondes

Au final, c’était l’occasion de faire quelques dérapages dans le sable grâce aux quads et de partager des moments sympas avec mes nouveaux amis Par contre, ce qui était assez surprenant, c’était d’avoir des Égyptiens comme eux qui participaient à des excursions très touristiques. Selon moi, pour rencontrer des gens et faire de nouvelles connaissances. Nous échangeons nos identifiants Facebook et ils me supplient de les contacter une fois arrivé à la capitale. Je leur serre la main en guise de promesse. Demain c’est ma dernière journée sur Hurghada, j’ai hâte de voir ce que le reste de l’Egypte me réserve !

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